En matière de modèle économique pour une entreprise de presse, reconnaissons que Justin B. Tagouh, fondateur d'Afrique Media, a découvert le bon filon pour rentabiliser son activité: le panafricanisme démagogique.
Avant, les promoteurs d'entreprise de presse comptaient sur la vente des supports, sur les abonnements et la vente d'espaces publicitaires pour s'en sortir. Mais comme la qualité du contenu laissait souvent à désirer et que le marché publicitaire était étriqué, ses pauvres promoteurs tiraient le diable pas la queue.
Puis est apparue une nouvelle génération de promoteurs qui se comportaient plus en sicaires, utilisant leur pouvoir médiatique pour descendre un individu lambda, sous la houlette d'un individu gamma tapi dans l'ombre. Bien sûr, l'individu gamma rémunérait le service et le journaleux journaliste stipendié avait de quoi faire bouillir la marmite. Mais le sicaire de la presse récoltait le mépris de l'opinion publique.
Afin est arrivé Justin B. Tagouah et son groupe Afrique Media. Le brave Tagouah choisit un créneau thématique qui ne demandait pas trop d'efforts d'intellectuels: le panafricanisme dans son versant le plus démagogique. Peu importe qu'on était fidèle ou pas dans le rapport des faits, honnête ou pas dans les analyses et commentaires, objectif ou pas dans l'approche journalistique, ce qui importait, c'était d'injurier à tout bout de champ l'Occident en général, la France en particulier.
Comme le public camerounais était prédisposé à goûter goulûment à la démagogie panafricaniste, Afrique Média s'est rapidement frayé une place de choix dans le paysage audiovisuel camerounais. Son succès a même largement débordé nos frontières nationales.
Mais le brave Justin Tagouh était surtout un homme d'affaires "perspicace". Il comprit très vite qu'il aurait beaucoup de peine à s'engraisser grâce à son entreprise s'il comptait sur les abonnements -étant donné que les Camerounais étaient maîtres dans le piratage du câble- et sur la publicité parce que non seulement les gains escomptés n'auraient pas permis de financer sa télé, mais aussi parce que de gros annonceurs n'auraient pas digéré les diatribes anti-Occident.
Alors, le brave Justin a choisi d'aller tendre sa sébile (de mendiant) à Khadafi qui se passait alors pour le champion de la cause panafricaine. Personne n'ignore la prodigalité dont faisait preuve l'ancien chef de l'Etat libyen envers ses lécheurs de babouches. Puis, ce fut le tour de Gbagbo d'arroser -plus modestement, il est vrai- la chaîne qui devient alors son partenaire de propagande et de mensonges éhontés dans l'Afrique francophone et même la diaspora africaine.
Quand Afrique Media perdit ses généreux mécènes Khadafi (renversé et assassiné) et Gbabo (battu aux élections et emprisonné), la situation financière de ce média se détériora. Pratiquement toutes leurs émissions donnaient la parole aux panélistes-pleureurs qui ne cessaient de se lamenter à chaudes larmes de la disparition de leurs donateurs.
Mais il en fallait plus pour décourager le pugnace Justin Tagouh qui repartit à la pêche aux mécènes et obtint au final un superbe poisson aux écailles argentées dénommé Obiang Guéma, le roi Ubu de la pétro-république de Guinée éuqatoriale. Depuis, Afrique Media est redevenu une chaîne qui prospère sans publicité ni abonnement. Et elle ne rate jamais une occasion de louanger son providentiel bienfaiteur.
Tout le monde croit qu'Afrique Media est un média panafricaniste comme il s'en réclame. Or le panafricanisme est d'abord une idéologie qui a eu ses penseurs et ses promoteurs. Demandez à un fidèle téléspectateur d'Afrique Media de vous parler de Marcus Garvay, de W.E.B Du Bois ou même d'Anta Diop, il ne saura quoi vous répondre parce que Afrique Media n'instruit pas vraiment sur le panafricanisme.
Donc, c'est à cause d'un malentendu qu'on qualifie cette chaîne de panafricaniste. L'auteur de ce billet était plus tenté de parler de panafricanisme de débits de boisson alcoolisée quand un ami lui a suggéré un terme nettement plus juste: le panagombisme. En effet, Afrique Média est une escroquerie intellectuelle d'un concitoyen qui a trouvé un moyen de gagner de l'argent (le "gombo") par la presse en usant de la démagogie idéologique et en foulant sans complexe toutes les règles déontologiques de la presse, surtout celles qui concernent les moyens de financement.
Au regard de tout ce qui ce qui vient d'être écrit, comment ne pas soupirer de dépit quand au cours d'un débat entre voisins du quartier, votre contradicteur appuie son argumentation en disant: "Afrique Media a dit que..."
Excellent texte
RépondreSupprimerde bon aloi
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