Tant que l'épervier
de Biya'a bi Mvondo ne s'attaque qu'aux détourneurs de fonds
publics, tant que Transparency International n'enquête que sur la
corruption dans les services publics, tant que la corruption ne
désigne au Cameroun que le fait de soudoyer avec de l'argent pour
obtenir une faveur indue (ou pas), le Camerounais lambda se dira
toujours que la fraude le concerne peu. Mais, si on jetait un coup
d’œil sur la fraude aux actes de naissance, on verrait alors à
quel point la fraude est devenue une culture largement partagée au
Cameroun.
Joseph Minala à l'âge de 17 ans !!! |
Comment le football a vulgarisé cette fraude
Je n'insulterai pas
les Camerounais fanatiques de football en disant que c'est en grande
partie à cause du football, plus précisément des footballeurs, que
les Camerounais lambdas ont de moins en moins ressenti de scrupules à
confectionner de faux actes de naissance. Il est de notoriété
publique la quasi-totalité de nos footballeurs ont de faux actes de
naissance.
Nous gaussions bien
de Nkala Nkongo Raymond, ancien Lion Indomptable, dont la physionomie
ne confirmait pas vraiment son âge publié et dont une rumeur
persistante lui attribuait une fille plus âgée que lui ! Nous
savions tous que le gardien de but Kameni Carlos n'avait pas 15 ans
pendant les jeux olympiques de Sydney en 2000. Nous sommes tous
unanimes à accorder au moins 6 ans de plus à Samuel Eto'o. Nous
avons bien ri quand le footballeur Joseph Minala de la Lazio de Rome a
prétendu avoir 17 ans. Il a bien réussi à berner les Blancs comme
tous nos footballeurs avant lui, mais nous n'avons jamais été
dupes.
Pourquoi le milieu
du football est-il en particuliers gangrené par ce phénomène ?
Quand le football a prit une ampleur populaire dans notre pays et que
des clubs, puis la fédération nationale se mirent en place, les
équipes étaient organisés et gérés de façon très archaïques.
Seuls importaient les équipes premières pour disputer les
championnats et il n'y avait pas pratiquement pas des championnats
pour les poussins, minimes cadets et juniors. Les équipes ne
possédaient pas de centres de formation. Puis, quand des
championnats de jeunes furent mis sur pied, les clubs peinaient à
recruter les jeunes.
La profession de
footballeur était méprisée par les parents et ceux-ci ne pouvaient
laisser leurs enfants adolescents laisser l'école pour jouer au
football. Quand les jeunes garçons, mus par leur passion dévorante
pour le foot, parvenaient enfin à braver l'interdit parental, il
était trop tard pour intégrer la section minime ou cadet d'un
équipe. Alors, les encadreurs entreprirent d'établir de faux actes
de naissance afin de "corriger" les effets du retard en
intégrant les nouveaux footballeurs de métier dans les équipes de
débutants où on aurait ainsi l'opportunité de leur apprendre les
bases du métier. Ces jeunes se retrouvaient chacun avec un "vrai
âge" et un "âge du football".
Puis, les clubs
virent vite le bénéfice qu'ils tiraient de la pratique frauduleuse.
Leurs équipes de jeunes surpassaient celles qui ne se pliaient pas à
la méthode puis que leurs joueurs étaient bien plus robustes,
expérimentés et intelligents. C'est ainsi que la pratique se
généralisa à TOUTES les équipes.
Après que l'arrêt
Bossman ait permis au clubs des Pays de la Communauté puis de
l'Union Européenne de recruter un plus grand nombre de footballeurs
africains au début des années 90, les équipes et centres de
formation de football du Cameroun virent une bien plus grande
opportunité de gagner de l'argent par les transferts. Mais comme les
clubs européens privilégiaient le recrutement de jeunes pousses, il
fallait encore plus diminuer "l'âge du foot" des jeunes
joueurs par rapport à l'âge réel. Si avant on "coupait"
trois ans à un footballeur débutant de 17 ans puis lui faire
intégrer l'équipe minime, il fallait désormais couper au moins six
ans pour se donner une plus grande possibilité de le "vendre"
jeune à un club européen. Voilà comme la pratique prit des
proportions ubuesques.
Suite de l'article L'âge d'une fraude nationale (troisième partie)
Commentaires
Enregistrer un commentaire