Il suffit parfois d’un évènement apparemment insignifiant pour que l’orientation politique d’un citoyen en devenir change radicalement. Ce fut le cas de l’auteur de ce modeste blog. A ceux de mes proches qui me reprochent souvent ma véhémence envers Biya’a bi Mvondo, “légalement” président la république
Je suis issu d’une famille que je
pourrais qualifier de politiquement conservatrice et légitimiste. Bien que ne
faisant pas parti ni de l’ethnie, ni du sous-groupe ethnique du président, bien
que n’ayant pas bénéficié des passe-droits du Renouveau, elle tenait Biya’a bi
Mvondo en très haute estime. Il est vrai que depuis son ascension au pouvoir en
1982, le président avait réussi à séduire les Camerounais par sa langueur que
ces derniers prenaient à tort pour une extrême bonhomie.
Cela dit, l’empathie familiale pour Biya
tirait surtout son fondement dans une part douloureuse de l’histoire du Cameroun:
le maquis nationaliste mené par l’UPC de 1955 à 1970. Ma famille fait partie de
l’ethnie minoritaire banen, or les Banen payèrent un lourd tribut culturel et
patrimonial pendant cette période agitée. Les maquisards, qui se cachaient dans
les forêts de leur région et écumaient à cause de la relative indifférence des
Banen à leur combat politique armé, s’en prirent à eux par des assassinats, des
viols, des mutilations et des actes de torture.
Le gouvernement d’Ahidjo, à la fois pour
mieux protéger des populations banen et isoler les maquisards dans les forêts,
ordonnèrent l’évacuation de nombreux villages et placèrent les déplacés dans
des “regroupements”. Coupés de leurs terres ancestrales, ces Banen endurèrent
une profonde perte de repères et une crise identitaire que le temps n’a cessé
d’aggraver. Au regard de ce qui vient d’être décrit, la méfiance de mes parents
– le mot “parents” est pris ici dans un sens large – envers les mouvements et
leaders politiques, qui s’opposaient au régime en place, se comprend plus
facilement.

En 1991, lorsque l’UPC voulut tenir sa
première manifestation publique, nous vîmes un impressionnant déploiement des
forces de l’ordre pour cerner le point de rassemblement des militants de ce
parti devant le collège d’enseignement secondaire de Ngoa-Ekélé. Nous entendions
beaucoup parler du très célèbre Parlement, cette association
estudiantine à la pointe de la contestation politique et des revendications
relatives à l’amélioration des conditions d’étude des étudiants.
On parlait aussi du groupe estudiantin Auto-défense
chargé de casser la dynamique du Parlement, au besoin par l’intimidation et le
vandalisme. Mais pour être tout à fait honnête, je dois souligner que si les
objectifs poursuivis par le Parlement étaient plus que louables, bon nombre des
méthodes qu’ils employaient l’étaient bien moins et se rapprochaient de ceux de
l’Auto-défense.
A cet époque-là,
nous n’avions que l’inénarrable CRTV radio et télé et la machine de la
propagande du Renouveau tournait à un régime si élevé que les pièces de la belle
mécanique d’enfumage menaçaient de casser. Tout était fait pour nous dépeindre
les contestataires politiques comme des vandales et des vendeurs d’illusion.
Chaque soir, dans les journaux télévisés, nous étions gavés des images de
locaux commerciaux, de bâtiments publiques ou de maisons d’habitation
vandalisés faisant suite aux
manifestations pro-démocratie.
Bien sûr, on ne nous parlait pas de
l’emploi disproportionné de la force par la police, la gendarmerie et l’armée
qui, trop souvent, tiraient à balles réelles sur des manifestants désarmés.
Nous ne savions pas qu’en pays éton, ceux qui prirent le risque d’adhérer au
SDF, le parti politique de l’opposition en pointe dans la revendication, furent
plus que sévèrement réprimés avec disparition et assassinat à l’appui. Nous
savions peu de chose sur ses quatre manifestants mort de Bamenda piétinés
par balles dixit l’interprétation logique tirés des explications du
ministre de la désinformation de l’époque: Kontchou Komegni Augustin.
Pour connaître ces choses-là, il fallait
se procurer la presse privée... du celle qui ne roulait pas pour le régime en
place. Or, en ces temps-la, les censeurs du ministère de la propagande
l’information avaient beaucoup de boulot. Il m’avait de tomber sur des articles
de journaux rendus illisibles par des crayons marqueurs ou tout simplement
floutés. Naïf comme j’étais, je ne comprenais pas le pourquoi de cela. Ces
techniques d’un autre temps étaient peu de chose comparées à la suspension
administrative pure et simple. Les journaux comme Le Messager durent plusieurs
fois changer de nom et devenir La Messagère, La Messagerie ou Le Message pour contourner
l’obstacle de la censure.
La suite de ce billet de blog dans le
prochain qui sera publié. Promis, juré !
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