Il y a
quelques semaines, à l’occasion de la controverse sur le meurtre d’un
Afro-américain par un policier blanc dans la ville de Fergusson aux Etats-Unis,
l’auteur de ce billet a eu une véhémente confrontation verbale sur Facebook avec
des personnes qui jugeaient péremptoirement que le racisme motivait forcément
ce meurtre. Parmi ces « fins » limiers du racisme se trouvaient des
Africains qui n’ont certainement jamais levé le petit doigt pour combattre le
tribalisme dans leur propre pays.
Quand un
enfant ramène de l’école un nouveau camarade, son parent demande le patronyme
du camarade. L’enfant renseigne le plus naïvement du monde son parent. Son
cerveau d’enfant qui voit encore trop simplement le monde ne s’imagine pas que
la consonance du patronyme de nouveau camarade déterminera la bienveillance de
ces parents envers cette relation de camaraderie. Si le camarade est de la
mauvaise tribu, le parent peut clairement lui signifier qu’il ne veut plus voir
ce camarade à la maison.
Le tableau
décrit dans le paragraphe précédent n’est pas une caricature. Beaucoup de
Camerounais nés dans les années 80 - ou bien avant – l’ont vécu à des degrés
divers. La quasi-totalité de ces Camerounais-là étaient issus de foyers
ethniquement endogamiques c’est-à-dire de foyers dont le père et la mère provenaient
de la même ethnie, mieux – ou pis – encore, du même sous-groupe ethnique. Le
respect dû aux personnes d’autres cultures étaient le cadet des valeurs
cultivées dans les familles.
Ainsi, sous
les chaumières, on pérorait sur les Bamilékés sales, envahisseurs et cupides,
sur les Duala vantards, sur les Béti aussi intelligents que des poules quand
ils vendaient leurs terres à des étrangers, sur les Bassas bien forts en gueule
mais paresseux et méchants, sur les n’kwa (non Bamilékés) et leurs curieuses
manières de vivre qui relevaient très souvent de la psychiatrie, et je passe
sur bien pire encore. Nous trouvions cela très normal et les cours d’éducation
civique dispensés à l’école ou les messages de propagande dans les médias d’Etat
sur le tribalisme n’avaient pratiquement aucun effet sur les consciences.
Ces
attitudes tribalistes conduisirent à dévoyer un marqueur culturel important :
le dialecte. On ne s’exprimait plus seulement en dialecte parce que c’était la
langue maternelle donc un outil d’expression familier, ou par souci de
discrétion quand on était en public, mais pour commérer sur des membres d’autres
ethnies en leur présence et sans qu’ils s’en rendent comptent, pour exclure les
autres d’un milieu social ou pour connaître qui favoriser indûment.
Je pourrais
vous raconter l’histoire d’un membre de ma tribu (banen), travaillant dans une
entreprise qui pratiquait avec zèle du népotisme pro-bafang (sous-groupe
ethnique bamiléké), qui fut limogé quand le grand patron découvrit qu’il n’appartenait
pas à la bonne tribu. Je vous parlerai plutôt de la surprise d’un employé d’une
petite entreprise de froid et climatisation, où j’étais en apprentissage, quand
il se rendit compte, après m’avoir salué en ghomela’a, que je n’étais pas
bamiléké. En effet, j’étais le seul nkwa’a de l’entreprise.
Afin que
mes amis lecteurs Bamiléké ne se disent pas que j’ai une dent contre eux, j’évoquerai
l’expérience d’un frère banen qui travailla dans une des établissements de micro-finance
les plus en vue à cette époque. L’entreprise était tenue – et l’est toujours –
par des Banen qui y pratiquaient un népotisme caricatural. Pis encore, la
filiation tribale servait à entretenir un réseau parallèle d’espionnage implacable
envers les non-Banen qui oubliaient le devoir de soumission de la minorité. Les
non-Banen de l’entreprise disaient de leurs collègues banen qu’ils faisaient
partis du « pays organisateur ».
Je pourrai
multiplier à l’infini des exemples de népotisme tribal. Notez bien que je ne
limite qu’au népotisme ; le phénomène du tribalisme est si prégnant qu’un
simple article ne peut suffire à traiter la question.
Tous ces
Africains-là, particulièrement ceux vivant en Occident, si prompts à dénoncer
le racisme des Blancs, peuvent faire une recension infinie des anecdotes
révélant l’ampleur du tribalisme en Afrique. Mais voilà, ce qu’ils trouvaient
normal sous les tropiques devient une horreur en deçà. Haïr ou trouver l’autre
inférieur, c’est grave seulement si la couleur de la peau est la même… encore
qu’on peut trouver des circonstances atténuantes si le sujet de la détestation
à la peau blanche.
Pour illustrer
mon propos, je vous livre une expérience vécue à une époque où l’auteur j’enseignais
dans un établissement de cour du soir. Un après-midi, j’écoute un de mes
collègues deviser sur le cas d’Africain(e)s qui osent entretenir des relations
amoureuses avec des Blanc(he)s. Le collègue susmentionné assimile quasiment ces
Africains-là à des traîtres.
Confondant
mon attitude d’écoute attentive à de l’approbation, mon interlocuteur
surenchérit en soulignant la supériorité de la civilisation africaine sur la
civilisation occidentale. N’y tenant plus, je décide de répondre poliment mais
de manière cinglante à sa logorrhée en déclarant à peu près ceci : « Si
les propos que vous venez de tenir étaient sortis de la bouche d’un Blanc, on
aurait crié au racisme ! » Mon collègue, surpris par ma réplique, s’est
mis à balbutier un salmigondis de plates explications justificatives.
Evidemment,
je n’y ai rien retenu parce que rien ne justifie le racisme, même le racisme
anti-Blanc des Africains.
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