Quand j’étais en
classe de 6ème, deux de mes camarades et moi furent l’objet d’une de
ces tromperies dont les politiciens nous gavent tous les jours. Un des élèves
de notre établissement, bien plus âgé et dont le niveau scolaire était plus
élevé, vint nous parler de la candidate pour qui il battait campagne à l’élection du bureau de
la coopérative des élèves du lycée. Parfaitement ignorant de l’exercice
démocratique en milieu scolaire, nous buvions les promesses électorales en
faveur du beau temps, des oiseaux qui chantent dans le ciel, de la paix dans le
monde et de la nourriture pour tous.
Nos autres
camarades pour qui la vie lycéenne se limitait aux études, à la camaraderie et
aux jeux tournèrent rapidement les talons. Nous qui avions un embryon d’esprit
civique fûmes magistralement abusés: le propagandiste nous convainquit de faire
le tour de l’établissement en clamant le nom de sa candidate. Quand quelques années
plus tard je pus cerner la personnalité de ce propagandiste, je compris qu’en
fait: c’est lui tirait les marrons du feu; sa candidate n’était qu’un
faire-valoir; n’ayant aucune chance de l’emporter s’il se présentait lui-même,
il voulait mettre la main sur la coopérative en avançant masqué. Sa vile
entreprise ne fut pas couronnée de succès mais nombreux sont ces collégiens,
lycéens et étudiants pareillement intentionnés qui réussissent leurs coups.
Ma petite sœur
m’avait raconté comment un candidat à la présidence de la coopérative du lycée
Général Leclerc de Yaoundé avait remporté sur le fil l’élection. Contrairement
à d’autres établissements scolaires où seuls les délégués et vice-délégués
votaient, tous les élèvent de ce lycée étaient électeurs. Le jour du scrutin,
le candidat susmentionné organisa des séances des projections vidéo à
l’attention des élèves de 6ème et 5ème. Au sortir de ces
séances, ces élèves partirent voter en masse pour celui qui les avait divertis,
faisant ainsi pencher la balance en sa faveur.
Un camarade de
classe me racontait qu’au collège Alfred Saker de Douala, deux candidats fils à
papa issus de famille nantis, pour qu’on sache bien qui valait quoi, avaient
dépassé le niveau des promesses démagogiques. Ils s‘exposaient désormais ostentatoirement en véhicules rutilants. Pour atteindre le comble de l’ubuesque,
l’un des candidats réalisa le tour de force de se présenter au lycée dans un
camion. Son adversaire, pour donner le change de la bêtise, fit entrer dans
l’enceinte de l’établissement... un engin bulldozer.
Dans les écoles
où l’élection ne se fait pas au suffrage universel, l’important est d’acheter
les voix des chefs de classe. Généralement, le prix d’une voix s’élève à un
petit goûter -boisson gazeuse, sandwich et cacahuètes- offert lors d’une
réception. La campagne publique ne sert surtout qu’à amuser la galerie. Des
sommes d’argent effroyables sont dépensées par des candidats qui sont portant
encore sous la tutelle de leurs parents et ne comptent en principe que sur leur
argent de poche. Ce n’est pas la nature bénévole de la fonction visée qui les
fera reculer puisqu’ils savent bien qu’à côté des honneurs et du prestige à
récolter, ils pourront user de milles et uns passe-passe pour se refaire une
santé financière.
Une fois élus,
ces élèves et étudiants qui promettaient monts et merveilles offrent une
gestion pitoyable de l’organisation qu’ils ont en charge. S’ils ne versent pas
dans la gabegie, c’est tout simplement parce qu’ils n’ont pas la haute main sur
la caisse. En manque criard d’imagination, ils se limitent à perpétuer les
travers des équipes dirigeantes passées. Les semaines culturels organisées
n’ont de culturel que l’adjectif, les soirées culturelles ne sont en fait que
des orgies, “l’investissement humain” se limite au débroussaillage et au
balayage... A la fin de l’année scolaire ou académique, la description du bilan
de la coopérative tient à peine sur deux lignes.
Pourquoi cette
description au vitriol du jeu électoral et du gouvernement des élèves et étudiants
dans nos écoles? Parce que j’en assez que des jeunes puissent croire qu’il
suffit surtout de virer les dirigeants septuagénaires de notre pays pour que
les choses aillent mieux dans notre pays. Les illustrations innombrables
montrent bien à souhait que la culture de la fraude politique et une gestion
inepte n’est pas l’apanage de la
génération de nos pères. Déjà à l’école, les jeunes camerounais démontrent
qu’ils savent faire aussi mal qu’eux... sinon pire.
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