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Pour en finir avec Eto’o fils et compagnie



Le mercredi 6 février 2013, l’équipe nationale de football, les Lions Indomptables, ont une fois de plus réalisé l’exploit de se faire battre par la modeste Tanzanie en match amical. Ceux de mes lecteurs qui connaissent mon antipatriotisme décomplexé devineront aisément que cette nouvelle contreperformance ne m’a point du tout attristé. Si je reparle aujourd’hui des Lions, c’est parce que sur 22 joueurs appelés par le sélectionneur, 11 ont déclinés la convocation en arguant de fallacieux prétextes. A ce jeu-là, la palme d’or revient à Eto’o Fils Samuel qui a déclaré ne plus se sentir physiquement en sécurité au sein de l’équipe nationale.

A mon négligeable avis, Eto’o fils et compagnie doivent être purement et simplement écartés de l’équipe. Mais je peux toujours pérorer à longueur de billets de blog, Eto’o fils restera toujours un intouchable au dessus des principes moraux élémentaires. Ses coéquipiers boudeurs continueront à bénéficier -il est vrai, dans une bien moindre mesure- de cette même intouchabilité. Je le répète: que les Lions Indomptables se fassent humiliés me laisse à 37°c au mieux, au pire (sic) me remplit de joie. Ce que je déplore surtout, c’est la mauvaise influence qu’ils ont sur les jeunes camerounais. 

Dans les années 80, quand nous étions à peine adolescents, la profession de footballeur était mal vue par nos parents. Ils nous disaient, si nous leur faisions part de notre ambition d’embrasser le métier de footballeur, que c’était l’apanage de voyous et de jeunes en perdition scolaire. La quasi-totalité des footballeurs qui avaient réussi à gagner une place au sein des Lions Indomptables, l’équipe nationale camerounaise, confiaient qu’ils avaient du faire face à une forte opposition de leurs parents au début de leur carrière. Bref, on menait la vie dure à ceux qui voulaient s’y engager mais on portait aux nus ceux qui y réussissaient.

Du fait de fortes restrictions de la mobilité internationale des footballeurs, une bonne des meilleurs d’entre eux étaient «contraints» d’effectuer toutes leurs carrières au Cameroun. L’éventualité d’un arrêt Bosman ne traversait même pas l’esprit de nos esprits les plus aiguisés. Nos footballeurs avaient à cette époque une humilité certaine qui les contraignait à ne pas se croire plus beaux et plus intelligents qu’ils ne l’étaient. Peu nantis, ils n’essayaient d’épater le peuple par l’exhibition ostentatoire de leurs biens matériels et de leur argent. On voulait devenir des  Milla Roger, Abéga Théophile ou Nkono Thomas parce que leur talent nous impressionnait et non à cause de la mirobolance de leurs revenus.       

Mais en 1998, à l’occasion de la coupe du monde de football en France, un bouleversement majeur se produit dans la mentalité des jeunes camerounais. Les Lions Indomptables réalisèrent une prestation appréciée même s’ils ne purent se qualifier pour le second tour. Et surtout, deux jeunes footballeurs amateurs qui évoluaient dans le championnat local, Ndjanka Béaka et Ndo Cyrille, marquèrent les esprits. Issus de milieux modestes, surtout en ce qui concernait Ndjanka, ils furent propulsés au devant de la scène et les contrats professionnels qu’ils signèrent leur permirent de façon spectaculaire leurs familles de la misère.

On vit alors dans les quartiers populaires des milliers de jeunes se réorienter radicalement vers la carrière de footballeur au dépens des études. Attirés par ce miroir aux alouettes qu’était le perspective de gagner de l’argent par le football, ils leur restaient peu de raison pour écouter les conseils avisés d’un Bell Joseph Antoine qui disait toujours qu’il y a pour les jeunes bien plus de chances de devenir ingénieur plutôt que footballeur professionnel.  

Mais le pire était à venir avec l’émergence fulgurante d’Eto’o fils Samuel. Véritable génie du football, il incarna -et continue à incarner- une génération vaniteuse et dopée à l’égo surdimensionnée. Cette génération Eto’o était si complexée de son faible niveau intellectuel qu’elle s’attelait à acheter rubis sur ongle la reconnaissance et l’assujettissement de ceux qui avaient reçu une meilleure instruction scolaire ou étaient tout simplement dans une position d’autorité. C’est ainsi que les journalistes et hommes de média se furent généreusement et joyeusement stipendiés. Ce ne sont surtout pas Bony Philippes et l’animateur et humoriste Tchop Tchop qui prétendront le contraire.

Désormais, les étudiants pouvaient crier aux oreilles de leurs enseignants: “Eto’o fils te dépasse! Il n’a pas eu besoin de maîtriser l’équation de Schrödinger pour gagner plus d’argent que toi!” Des jeunes sans emploi et oisifs des milieux pauvres discutaient à longueur de journée des revenus mirifiques d’Eto’o fils et compagnie, de leurs jets privés ou de leurs séances publiques de distribution de billets de banque -la farotage pour faire simple.

Par les comportements susmentionnés et par bien d’autres actes qu’un billet de blog ne suffirait pas à décrire, Eto’o fils et cie a largement contribué à la décomposition morale de la jeunesse camerounaise. Leurs brillantes performances sportives ont joué un rôle de puissants catalyseurs dans cette alchimie corruptrice. Tourner voire déchirer la page Eto’o serait plus que salutaire. Mais je n’en rêve pas trop.

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