Pour
une fois, ne parlons pas de politique. N'évoquons même pas un de
ces sujets de société qui risquent de dériver trop rapidement
vers une critique acerbe du gouvernement de Biya'a bi Mvondo.
Livrons plutôt notre opinion et notre analyse sur un domaine
économique et professionnel connu d'expérience : le business
des cybercafés.
Comme
vous le savez sans doute déjà, l'auteur de ce billet a travaillé
comme employé de cybercafé pendant un peu plus de deux ans, plus
précisément 27 mois. Ce fut une expérience très enrichissante sur
les plans humains et professionnels, nous permettant ainsi d'étendre
notre maigre réseau d'amis et connaissances. Ne reviendrons sur les
relations difficiles et complexes entretenues avec la hiérarchie et
l'investisseur. Non, nous ne parlerons pas de leur gestion
managériale cavalière, de leur total manque de vision du métier
pratiqué ou du stress extrême subi que ne pouvait atténuer près
de 90 heures de travail hebdomadaire ! Tout cela est bien loin
aujourd'hui et c'est pourquoi nous pouvons en parler aujourd'hui avec
le recul nécessaire.
Comme
vous le savez certainement -du moins, pour ceux qui nous suivent sur
notre profil Facebook, le cybercafé en situation de quasi-faillite a
été repris par d'autres investisseurs juste après notre départ.
Bien que les nouveaux propriétaires soient à priori des personnes
mieux avisés en matière de gestion, nous avons constaté que près
de deux mois après la reprise, à notre grande tristesse, peu de
choses avaient changé. Le service s'était peu amélioré, la
mauvaise qualité de la connexion internet restait égale à
elle-même, le parc informatique ressemblait de plus en plus à un
musée des antiquités technologiques et les prix des produits et
service étaient toujours fixés sans avoir fait au préalable une
étude approfondie des coûts de revient et des marges escomptés.
Lorsqu'il
lui était demandé s'il pouvait accepter d'ouvrir un cybercafé avec
l'appui d'un investisseur quelconque, l'auteur de ce billet marquait
une grande hésitation. Cet état d'esprit n'a pas changé non pas
parce que le business des cybercafés est irrémédiablement une
entreprise destinée à la faillite, mais parce que les personnes qui
investissent dans un domaine d'activité qu'ils n'apprécient ni ne
connaissent ont au Cameroun une tendance trop lourde à sous-investir
et mettre sur le gérant une pression trop grande pour rentabiliser
leurs investissements le plus vite possible.
C'est
en février 1997 que Biya'a bi Mvondo, président du Cameroun,
annonça la connexion de notre pays au réseau internet. La même
année, le premier cybercafé camerounais Ditoff Internet ouvrit ses
portes à Yaoundé. A cette époque-là, l'heure de connexion coûtait
2000 frs CFA !!! Puis sont venus d'autres cybercafés qui
appartenaient quasiment tous aux FAI. Les gens de conditions modestes
rêvaient peu d'aller naviguer sur la Toile à cause des prix prohibitifs.
Mais, avec la concurrence acharnée des opérateurs puis l'entrée en
scène des mastodontes des télécoms MTN et Orange en 2004, la donne
allait radicalement changer. Il devint possible de louer une heure de
connexion à 300 frs au plus.
Des
investisseurs lambda, c'est-à-dire des Camerounais sans background
académique poussé mais disposant de ressources financières,
considérèrent d'un nouvel œil ce nouveau secteur d'activités.
Désormais, on ouvrait un cybercafé comme on démarrait une grande
boutique de proximité, une quincaillerie de taille moyenne ou un
débit de boisson. Les grandes métropoles connurent une profusion de
cybercafés dans les grandes métropoles du pays. Pour la plupart de
leurs entrepreneurs, la technicité nécessaire pour tenir un
cybercafé ne demandait pas trop d'efforts par comparaison à
l'adresse qu'il fallait pour tartiner de chocolat une baguette de
pain ou mémoriser les prix des matériaux de construction.
Là
fut l'une des premières erreurs de ces entrepreneurs. Lire et
écrire, le minimum requis pour devenir employé de cybercafé,
étaient très insuffisant pour exercer un métier qui demande une
bonne maîtrise de l'outil informatique et des logiciels, des
rudiments de l'architecture des réseaux et une connaissance
insatiable d'internet et du web en particuliers. Malheureusement, il
était alors courant d'avoir affaire à des cybermoniteurs qui ne
connaissaient pas plus d'un navigateur web, peu sensibilisés sur
l'importance de les mettre à jour et ayant un bon panorama des sites
web pouvant répondre aux attentes de la clientèle. La nécessité
d'assurer une maintenance rigoureuse des équipements leur
échappaient complètement et il n'effleurait même pas leurs esprits
qu'il pouvait exister des outils -de surcroît, gratuits- pouvant
leur permettre d'améliorer radicalement la qualité de leurs
services, à l'instar de routeurs logiciels pour la gestion de la
bande passante.
Soulignons
ici que l'emploi de l'imparfait de l'indicatif laisse penser à tort
que ces descriptions faites relève du passé. Ce qui est loin d'être
le cas. A force de gestion à l'emporte-pièce et du peu de vision du
métier, la plupart des cybercafés ne tiennent pas plus six ans,
contrairement aux quincailleries ou aux boutiques de proximité. Pis
encore, s'acheter un ordinateur, un modem USB et un forfait de
connexion internet revenant bien moins chers que dans le passé, les
cybercafés ont perdu une bonne part de leur clientèle. Il y a bien
le cas du réseau de cybercafés Cyberlink, appartenant au
fournisseur d'accès internet Creolink, qui fournissent un service de
qualité avec des bandes passantes satisfaisantes, des postes de
travail possédant le minimum de caractéristiques requises, le tant
dans une cadre spatial confortable.
Mais
créer un cybercafé du même acabit que Cyberlink revient trop cher
pour nos petits entrepreneurs. Ceux-ci doivent être astucieux et surtout,
posséder ou s'appuyer sur des personnes qui disposent de compétences
avancés en informatique, télécoms et gestion, pour fournir au
marché des services répondant au besoin de la majorité des
internautes camerounais, ceci avec bien moins de moyens. En sus, ils
ont grand intérêt à développer des services de formation, de
montage audio-visuel, de conseil en rédaction, de PAO (publication
assistée par ordinateur) ou de web design.
On
nous rétorquera qu'un petit entrepreneur aura beaucoup de peine à
trouver des employés qui disposent d'une bonne part des
compétences sus-évoqués. C'est malheureusement vrai : les
jeunes camerounais qui les ont acquises dans un centre de formation
ou dans une institution d'enseignement supérieur ne rêvent que de
travailler dans des moyennes ou grandes entreprises qui puissent leur
verser une rémunération d'au moins 150 000 frs, leur accorder une
assurance-maladie et même un plan de carrière. Ne parlons même pas
du rêve indécrottable d'intégrer la fonction publique.
Conséquence : il ne reste que pour travailler dans les
cybercafés que des gens peu compétents qui ont atterris là par
accident.
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