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L'édifiant (non)sens des priorités de notre gouvernement

La semaine passée, du 20 au 22 août 2014, s'est tenu un événement institutionnel qui en soit ne mériterait même pas qu'on se fatigue les phalanges pour taper au clavier une brève. Il s'agissait du Salon de l'Action gouvernementale, parce qu'il fallait bien que notre gouvernement -et ses collectivités territoriales- nous montre qu'il agit effectivement, si nous ne l'avions pas remarqué, et pour notre bien, bien sûr !
L'Immeuble de la Mort avant sa réfection

Une propagande ensorcellante

A en croire certaines reportages, l'organisation de cet événement a connu des couacs du fait notamment du non-respect du timing et de l'absence remarquée des représentants au haut niveau de plusieurs organes gouvernementaux. Bien que le lieu de cet événement n'était qu'à quelques encablures de notre domicile, nous n'avons pas jugé utile de nous y rendre, à tort certainement. Nous aurons eu certainement droit aux brillants exposés sur les grands projets d'équipement -les fameux projets structurants, les initiatives pour de l'emploi des jeunes et l'entreprenariat -du genre PAJER-U et PIASI, les projets de large fourniture de soins de santé et bien d'autres encore plus appréciables d'entendre.

Nous nous serions alors demandé à la sortie pourquoi nous nous entêtions tant à vilipender notre Roi Fainéant de président Biya'a bi Mvondo et son Renouveau. Nous aurions alors été trop tenté de prendre notre carte du parti des flammes, le RDPC, et de rejoindre sur la même lancée une de ces multiples organisations de soutien qui gravitent autour de la famille du président et de sa famille du genre PRESBY (Jeunesse du président Biya'a) ou JACHABY (Jeunesse de Chantal Biya, l'épouse de l'autre). Nous n'aurions plus prêté aucune considération à tous ces gens qui disent les organisations sus-cités ne sont en fait des réseaux de clientélisme. La tentation de tourner casaque étant trop grande, nous avons finalement préféré ne pas faire le déplacement.

Un immeuble "prêté" aux brigands

Car s'y se garder des discours trompeurs du gouvernement permet de ne pas se laisser berner, considérer la prosaïque réalité nous guérit pendant un bon bout de temps de la propagande du gouvernement. L'une ses réalités prosaïques fut l'inauguration d'un imposant complexe immobilier destiné à accueillir des bureaux du gouvernement... vingt-cinq ans après un arrêt inexpliqué des travaux qui dura près de vingt années ! Nous exagérons un peu quand nous suggérons qu'aucune explication ne fut fourni : le gouvernement déclarait que la raison de cet longue interruption était le manque de fonds. Soit. Mais comment une administration sensé être dirigée par des cadres bien formés a pu laissé si longtemps en désuétude deux immeubles dont le gros œuvre était pourtant achevé au point de fournir un gîte fortifié aux brigands du centre-ville dont le surnom d'Immeuble de la mort.

La ridicule prohibition de l'emballage plastique

On nous rétorquera à raison que mieux vaut tard que jamais. D'accord. Mais pour illustrer le curieux (non)sens des priorités de notre gouvernement, revenons un peu sur ces emballages plastiques de moins 60 microns dont la production et la vente sont interdits depuis avril 2014 sur le territoire camerounais. Voilà bien une mesure que personne n'avait réclamé sauf peut-être quelques ONG écologistes dont l'existence n'est surtout motivé par le volonté de leurs promoteurs de gagner un peu leur vie en soutirant des subventions à ses institutions occidentales qui se mettent au gardez-vous quand elles entendent le mot ''écologie''. Le ministère de l'environnement, délesté du juteux secteur de la foresterie, trouva là un moyen de rappeler au public qu'elle existait.

Il fallait écouter les admonestations des fonctionnaires dans les médias pour se rendre compte à quel point ces gens-là ne fréquentaient que des magasions qui pouvaient se permettre d'emballer "gratuitement" les produits achetés dans des emballages plastiques épais ou des sacs en papier. S'ils leur arrivaient fréquement d'acheter dans la rue de l'arachide bouillie en coque, des beignets ou des croquettes, ils auraient déviné le niveau de désagrément que l'interdiction aurait causé. S'ils continuaient à toucher des salaires modestes, ils auraient su qu'acheter des embalages biodégradables est loin d'être la priorité des Camerounais lambda. S'ils avaient un temps soit peu travaillé dans une TPE/PME, ils auraint compris que la plupart des fabricants d'emballages plastiques n'auraient ni les capitaux ni les compétences techniques nécessaires à la fabrication des emballages bio-dégradables.

Plus de trois mois après la mise sur pied des mesures prohibitives anti-emballages plastiques, après que le zèle des fonctionnaires chargés de veiller à l'application des restrictions se soient atténués. L'interdiction n'ayant pas supprimée le besoin, les réseaux clandestins de fabrication, de distribution et de vente d'emballages plastiques illicites se sont mis en place. Mis à part les grandes surfaces qui ne gagnent rien à prendre le risque de violer les stupides lois prohibitives, la majorité des boutiques de proximité et des vendeurs utilisent les emballages interdits comme si de rien n'était.

Les fonctionnaires du ministère de l'environnement pourront plastronner dans des réunions internationales, des Occidentaux naïfs pourront compter notre pays comme membre enthousiaste de la nouvelle ligue anti-plastique, la grenouille-goliath, qu'on ne trouve qu'au Cameroun plus précisement dans le fleuve Moungo et ses affluents, pourra continuellement continuer à disparaître sans que les chasseurs de plastique s'en émeuvent. Vous avez parlé du sens des priorités ?

Un autre fait qui montre à quel point notre gouvernement partage les même priorités que nous citoyens lambda fut l'interdiction des voyages interurbains de nuit en juillet 2011. Tout commence par un triste constat : la majorité des accidents de la route ont lieu la nuit. Mais par un fulgurant raccourci de raisonnement, le ministère des transports établit un lien de causalité entre la période du jour et l'occurence des accidents. Ce ministère aurait pu tout aussi bien observé que voyager en train ou à pied est nettement moins meutrier que voyager en automobile et ainsi proscrire radicalement ce dernier mode de transport. Il n'ira pas jusque là mais le coup porté est dur pour les transporteurs et les usagers qui auraient préféré que le gouvernement demeure dans son atonie légendaire.

L'échec de l'interdiction du transport interurbain nocturne

Heureusement, la mesure fera long feu. Ceux des Camerounais qui accusent le plus le coup sont les Bamiléké qui, pour des raisons pratiques, préfèrent très souvent voyager de nuit entre Douala-Yaoundé et la région de l'Ouest. Etouffés économiquement, les transporteurs de ces axes routiers décident de se mettre en grève. Le gouvernement aura à cette occasion la sagesse de reculer, laissant ainsi le soin aux Camerounais le soin de choisir ou non de mettre leur vie en danger en voyageant de nuit. L'une des choses des plus affligeantes fut le fait que le ministre en poste était Bello Bouba Maïgari, un opposant de longue date. Comme quoi, certains hommes politiques de l'opposition partagent le même (non)sens des priorités que ceux du gouvernement.


S'il fallait inventorier tous les mesures à contresens du gouvernement, il faudrait une belle brochette d'articles. Arrêtons-nous là en concluant que subir une politique qui tient peut compte de nos priorités -et même s'y oppose- est pratiquement inévitable quand on se laisse conduire par un gouvernement illégitime.

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