
J'ai eu le privilège d'être né de parents qui avaient
compris l'importance de l'instruction non seulement par le système scolaire
mais aussi par les livres. Quand notre père en avait encore les moyens, il
s'était pourvu d'une petite bibliothèque qui comprenait près d'une centaine
d'ouvrages. Celles qui contribuèrent le plus à ma culture -et à celles de mes
frères et sœurs- furent le dictionnaire Le Petit Larousse Illustré et la
série encyclopédique Larousse en 9 volumes. Quand notre père me permis de les
consulter, il m'ouvrit grandement les portes d'un univers fantastique :
celui des savoirs humains.
N'allez surtout pas croire que le niveau d'étude de notre
père côtoyait des cimes : son diplôme le plus élevé n'était qu'un
probatoire en comptabilité. S'il est vrai que la rémunération des premiers
emplois qu'il obtint lui permettait de dépenser pour l'achat de livres des
centaines de milliers de francs, je dois ajouter qu'il avait cultivé la bonne
habitude de dépenser son argent pour son instruction livresque pendant son
adolescence qu'il vécut pourtant dans la pauvreté et la précarité matérielle.
Le cas de notre mère est encore plus probant. Elle s'était
arrêtée en classe de seconde sans avoir réussi au CAP. Femme au foyer, elle
tenta de se former en informatique -vers 1988 ou 1989- mais sans succès.
Confrontée aux difficultés d'argent du foyer, elle retroussa ses manches pour
vendre des sucettes. C'est elle qui nous -ma fratrie et moi- nous appris
à lire en employant la bonne vielle méthode de la lecture syllabique. N'eût été
le cas, nos instituteurs par leurs méthodes novatrices d'apprentis-sorciers, la
fumeuse méthode globale, auraient fait de nous des attardés scolaires.
Preuve que l'intelligence -je ne parle même pas la sagesse- ne s'acquiert pas obligatoirement
avec le niveau scolaire, notre mère savait pertinemment que l'une des meilleurs
façons de permettre à un enfant de s'exercer à la lecture, c'est de mettre des
livres à sa disposition. Dotée naturellement d'un sens pratique au dessus de la
moyenne, notre mère achetait astucieusement des livres hors programme chez des
« libraires du poteau » à des prix modiques.
Il se trouve certainement des parents autant sinon plus
méritoires que les nôtres quant à l'appréhension de l'importance de la lecture
et des livres. Mais force est de constater -j'écris ces lignes avec un sincère
dépit- la proportion de ce type de parents est infime même si on se confine à
la population urbanisée et instruite de notre pays.
L'argument économique tant rabâchée pour expliquer cette
situation est difficilement recevable. En effet, dans la plupart des foyers de
la petite classe moyenne africaine, la simple disponibilité d'un dictionnaire
sur l'étagère d'une armoire dans la salle de séjour est loin d'être garantie. C'est
ainsi que les bibliothèques familiales se limitent au strict minimum
obligatoire à savoir les livres scolaires pour les élèves et la Bible pour les
foyers chrétiens. L'argument culturel doit être aussi battu en brèche puisque
nous avons bien adopté des habitudes vestimentaires, culinaires et
linguistiques de l'Occident.
En accordant à l'instruction livresque une importance
faible, nous faisons le lit de illettrisme, de d'inculture et de l'échec
scolaire. Nous étonnons donc pas de voire notre jeunesse adopter comme modèles
et repères des gens comme Samuel Eto'o ou Petit Pays qui n'ont eu leur salut
autre que par les livres. En passant à côté de l'énorme richesse qu'on peut
tirer de la lecture, c'est l'avenir d'une génération qu'on hypothèque.
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