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Aveu d'un antipatriote

Dans une semaine très exactement débutera la 29e édition de la Coupe d’Afrique des Nations 2013 en Afrique du Sud. Les Lions Indomptables du Cameroun y seront absents et regarderont cette compétition à la télé comme moi. Certains d’entre eux pourront se consoler comme ils peuvent en essayant de remporter le 5ème trophée de l’équipe nationale camerounaise en jouant au jeu vidéo PES 2013. Je le dis d’emblée au risque de perdre la moins que poignée des lecteurs camerounais de ce blog: je suis bien content que les Lions n’aient pas pu se qualifier.

Si j’ose le dire à haute voix en public, je me ferais certainement traité d’antipatriote au mieux. A l’attention des lecteurs non camerounais de ce billet, je dois préciser qu’au Cameroun, le patriotisme commande aussi d’être un supporter inconditionnel des équipes nationales et de clubs engagés dans des épreuves sportives internationales. Pis encore, les joueurs sont volontiers assimilés aux soldats qui défendent l’honneur et l’intégrité de la mère patrie... comme si perdre un match de foot entraînait une perte de souveraineté... comme si les joueurs de foot risquaient au mieux l'amputation d'un de leurs membres, au pire la mort sur le terrain de jeu.  Si je ne me que traiter que d’antipatriote, c’est parce que les Camerounais dépriment à cause de la série de contre-performances des Lions Indomptables.    

Dans des périodes de triomphe, j’aurais carrément risqué d’être lynché physiquement, surtout si j’osais dire du mal des Lions dans un quartier populeux. Il faut dire que le chauvinisme imprègne lourdement l’atmosphère à ces moments. J’ai ouï dire qu’en janvier 2000, à Yaoundé au quartier Biyem-Assi, un de mes compatriotes, qui avait osé relever qu’une faute de jugement de l’arbitre avait permis au Cameroun de remporter la CAN, s’était fait molester. Petit rappel: lors de la séance des tirs aux buts au cours du match Cameroun-Nigeria, l’arbitre avait à tort refusé d’accorder un but au Nigeria, ce qui permit au Cameroun d’emporter le match. Bien qu’il ne m’est pas possible d’affirmer mordicus que la rumeur était avérée, je crois ferme que cela était tout à fait plausible.

Pendant la CAN, nous n'entendrons pas parler de tel ou tel supporter lambda décédé par infarctus suite à la maladresse incroyable d'un Lion Indomptable devant les buts adverses. Nous n'aurons plus ces morts idiotes de fans qui manifestent dans un élan de stupidité confondante leur amour des Lions. Je pense en particuliers à ce jeune fan, qui en janvier 2002, attacha des casseroles à sa moto et les laissa trainée au sol pour faire le plus de bruit possible tout en roulant à vive allure. Mal lui avait pris puisqu’une autre automobile roula sur la corde qui liait les casseroles, occasionnant ainsi la perte d'équilibre du motard qui fit une chute mortelle. Aucun dirigeant n'avait daigné sinon adressé des condoléances à la famille du défunt, du moins inviter les supporters camerounais à manifester moins dangereusement leur fanatisme. Je ne parle même pas du silence assourdissant de nos footballeurs. 

Quand des journalistes s'hasardent à questionner nos footballeurs sur des sujets ayant peu ou prou un rapport avec la politique, ceux-ci s'empressent de répondre qu'ils ne font pas de la politique. Et pourtant, le pouvoir depuis l'époque d'Amadou Ahidjo, exploite à fond le succès sportif sur la scène internationale à des fins de propagande. Le Renouveau, sachant bien qu'il n'y a pas mieux que les Lions Indomptables pour endormir la conscience politique des Camerounais, ne ratent aucune occasion favorable pour décerner des médailles aux Héros nationaux. Ceux-ci, ayant de toute évidence abdiqué toute conscience politique, jouent le jeu tout sourire. Quand en février 2008, des dizaines de compatriotes furent tués par les bidasses du Renouveau, aucun de ces z'héros n'eut le moindre mot de compassion envers ces victimes issus des milieux populaires qui fournissent pourtant le bataillon des fanatiques des Lions.

Le football, opium des Camerounais, ne fait plus recette... à mon grand plaisir. Mais ma joie prendra rapidement fin quand les Lions Indomptables recommenceront à gagner. Et les dealers de cette drogue reprendront leurs bonnes affaires.  

Commentaires

  1. bonne reflexion ... il faudrait comme vous l'avez dit plus haut que les Lions du Cameroun en apprennent de leur échec.

    le football est devnu malheureusement facteur d'enrichissement personnel et non plus de fierté nationale. les interêts individuels priment plus.

    RIP aux Lions

    Merci encore pour votre vision

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